La Sonate à Kreutzer + La mort d'Ivan Illitch - Léo TOLSTOÏ



Ce qu’apparut au début un habituel train-train, dont on s’accoutume en lisant à Tolstoï, ressemblait plus à une tragédie. La petite tempête qui se prépare tranquillement au fond d’une âme, la scène préférable de Léo, pour y mettre ses marionnettes. L’ouvrage que je tenais était ironiquement ce que j’ai découvert ensuite : Ce livre ne peut être vendu séparément du fascicule Tolstoï de « Grands Ecrivains », pas besoin de dire que c’était de ces admirables brochés parfumés d’usure, il est composé de deux nouvelles, choisies par l’académie Goncourt :
- La sonate à Kreutzer premièrement, est un bon argumentaire qui soutient, la chasteté aux temps d’une débauche excessive en Russie, compréhensible si on se réfère à ce que l’auteur avait mentionné en décrivant les hautes société, au consensus tacite que se forme l’opinion publique de la débauche et ce qui en découle naturellement de maladie telle : la Syphilis, qui est moins scandaleuse pour eux qu’un jeune homme qui n’avait point eu de volupté.
‘Le danger d’une maladie ? ça c’est prévu ; le gouvernement protecteur en prend soin. Il veille au fonctionnement régulier des maisons de tolérance, il assure l’hygiène de la débauche pour les collégiens ; des médecins rétribués en exercent la surveillance’, et d’autres affirmations alarmantes qui stipulent l’affreux fléau qui rangeait les mœurs publiques, dans l’indifférence froides de toute la soi-disant communauté russe. A partir de ce simple constat (dégoutant), l’auteur en moraliste pour ceux qui le connaissent, essayera de remettre l’ordre en appelant à l’abstinence et à la chasteté, d’une simple conversation classique romantique, pieuse transfiguration de la question de qui devance qui l’œuf ou la poule ? et qui portera sur l’incontournable duo Amour/Mariage, hameçon de toute âme fragile. Je ne cacherai pas ma surprise, je m’attendais à ces récits de haute morale, de nobles vertus, de ces ascensions fantastiques dont Léo sait dessiner les traits, un peu à la « What men live by »…au lieu de quoi, je me trouvais en face d’un scandale moral, plus réaliste que d’habitude, et que je considérais comme primitif. L’horreur ressentie au long de la nouvelle, inspire une morbide crainte, un dégoût de l’échelle de celui éprouvé en lisant « Le Parfum, de Süskind ». La deuxième chose frappante, et qui mérite d’être mentionnée, est peut-être la crédibilité de description des vrais liaisons d’union entre homme et femme, un bon sens ressenti, une honnêteté d’appeler les choses par leurs noms, j’en fus émerveillée. Loin du romantisme qui s’arrêtait bien au début de la routine infectieuse d’un bon ménage, et qui intoxiquait doucement tous ces liens, Ô, joliment tissé auparavant durant les premiers temps d’amour dira-t-on. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a dénombré les réalités que leur cachaient leur sociétés, et à faire naître en soi la répression de tels sentiments, jusqu’à l’abstinence, puisqu’avec un peu de recul, et de vision globale, nous nous rendons compte de l’ampleur et le gigantisme du fléau, de sorte qu’une une telle réaction n’est pas à ménager, à chaque action sa réaction !
De réaction on pourrait retenir comme exemple : ‘ Ce n’est pas dans un hôpital de syphilitiques que j’introduirais un jeune homme pour lui ôter le désir des femmes, mais dans mon âme, pour lui montrer le démon qui la déchirait’. La postface qui accompagne la nouvelle, éclaire cela et de la plus irréprochable des manières.
Troisième chose, celle-là, vous pouvez l’ignorer, mais elle restera un dilemme pour moi, après avoir écouté la sonate Kreutzer de Beethoven, je n’ai eu point l’impression décrite, quoique habituée à me laisser flâner en rêverie par les notes de Beethoven, je n’approuve pas le charme qu’a eue celle-là sur le personnage criminel de l’histoire !
Enchaînons avec « La mort d’Ivan Ilitch » : de tels titre ne me donnent plus une aversion quand il s’agit de parfaits écrivains russes, au contraire c’est une invitation à déguster l’existentialisme et la condition humaine, autrefois je me délectais à l’idée de transpercer l’âme humaine, et d’y voir clair. Aujourd’hui, je cherche à comprendre ce qui poussait ces derniers à tenir leur scalpel et bistouri, et les enfoncer aussi cruellement dans leurs victimes (quoique fictives), qu’est ce qui les amènent à scruter le plus honteux des recoins de la pensée ? A entreprendre et à méditer des plans aussi cruels, qui s’avorteront tous avant l’action ? Pourquoi mettre en œuvre autant de cruauté ? Peut-on scander les rythmes humains, sans passer par ce festin cannibale ? 
De lâcheté et d’oubli simplement, je me retrouve en train de m’émerveiller de ces scènes caravagistes, qui me redonnent paradoxalement espoir en humanité, une humanité plus saine !
Ce qu’on peut retenir de cette nouvelle, est que « vivre correctement », d’une rectitude machinale, selon les conventions sociales légères, et infondées, n’est absolument pas vivre ! Pour vivre il ne faut pas voir peur d’être ce qu’on est, de s’exprimer, de fondre en larmes si vous en sentez le besoin ! 


Music Pick:

 Ludwigvan Beethoven - Violin Sonata No. 9 "Kreutzer"


- Juillet, 2015.

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